25 Juin 2020

Pesticides sous surveillance

L'exposition des habitants vivant à proximité des cultures traitées avec des pesticides est une information souvent méconnue. Elle s'appuie sur des données épidémiologiques, des données de terrain et issues du spatial, dont la haute variabilité est incompatible avec l'extrapolation. Dans une récente publication soutenue par le CNES, Clémence Vannier, géographe à l'Université de Canterbury, présente l'état de la recherche.

Jeune doctorante CNES, Clémence Vannier évaluait les capteurs de télédétection les plus adaptés à l'identification de la structure des bocages bretons. Son approche écologique a rapidement été phagocytée par l'aspect épidémiologique de ses études avec pour principale interrogation : quelles sont les structures du paysage permettant de protéger la population contre la dispersion des pesticides autour des champs ? Est-il préférable d'installer des barrières végétales, des prairies, des bosquets, des petits ou grands boisements, ... ? C'est dans une revue de la littérature scientifique que la géographe a cherché des réponses. Son analyse qui s'appuie sur une soixantaine d’articles datant de 2000 à 2019 a été publiée en mai 2020 dans International Journal of Environnemental Health Research.

Le spatial fournit les cartes des risques d'exposition

Pour obtenir une carte des risques d'exposition aux pesticides, les chercheurs s'appuient sur l'information spatiale qui donne avec précision la nature des cultures et leur évolution (via la télésurveillance et les Systèmes d'information géographique, SIG) ainsi que les conditions climatiques lors de l'épandage (via des mesures de terrain). Les données d’épandage sont rarement disponibles car elles relèvent d'une déclaration de l'agriculteur difficilement accessible tandis que l'information satellitaire est libre de droit et incontestable. De plus, la résolution et la période de revisite des satellites aboutissent désormais à des résultats probants.

"Là où MODIS permettait autrefois une analyse via des pixels de 250 mètres par 250 mètres, nous avons aujourd'hui une résolution de 20 mètres tous les 15 jours. Sentinel-2 est le satellite fournissant les données les plus adaptées à nos besoins", témoigne la chercheuse. Landsat dispose d'une période de revisite moins courte mais offre la possibilité de combler l'information manquante en cas de nuages par exemple. Ainsi, nous disposons de suffisamment de satellites d'observation pour avoir des séries temporelles continues".

Complémentarité des données de télédétection pour la cartographie de l'occupation et l'usage des sols à différentes résolutions spatiales et temporelles.

La donnée satellitaire permet d'identifier le type de culture à partir duquel on déduit le type de pesticides utilisés. Il est alors possible avec la donnée climatique (vitesse et direction du vent, température, pluviométrie) de modéliser sa dispersion vers les habitations. Avec la quantité de pesticides vendus à la commune, il est possible via l'imagerie de l'évolution des cultures de remonter la chaîne jusqu'à évaluer la quantité pulvérisée par type de culture. Il suffit de suivre l'hypothèse que l’épandage est lié à la croissance végétale.

Résultats mitigés en épidémiologie

"Le SIG et la donnée géo-spatiale nous permettent de dresser des cartes des zones agricoles les plus exposées avec pour principaux facteurs d'exposition : la distance entre les habitations et les cultures, la quantité de pesticides pulvérisés sur les parcelles, la taille des parcelles et le climat. Ces cartes des risques d'exposition sont très utiles mais elles ne sont pas en lien avec les données d'exposition réelle chez les gens", explique Clémence Vannier. Pour cela, il faut inclure les mesures biologiques ou environnementales telles que les relevés des poussières hébergeant des résidus de pesticides à l'intérieur des habitations. Tester l'urine, le sang ou les mèches de cheveux des habitants est une autre solution. "Six centimètres de cheveux, c'est presque une saison entière de culture", remarque la chercheuse. Il y a toutefois de nombreux biais à prendre en compte tel que l'activité professionnelle des personnes testées, l'influence de leur alimentation (biologique ou non), des produits cosmétiques ou de nettoyage qu'ils utilisent, etc.

L'exposition aux pesticides devra suivre le même chemin que le changement climatique qui a su fédérer différentes disciplines et parvenir à des résultats consensuels. Il sera alors possible d'établir des protocoles prenant en compte l'ensemble des biais et de répondre à la question de départ : comment mieux protéger les populations exposées aux pesticides agricoles ?

Pour aller plus loin

Clémence Vannier, Cécile Chevrier, Laurence Hubert-Moy, Role of land use and land cover in residential exposures to agricultural pesticide models. International Journal of Environmental Health Research, 12 May 2020.

Contacts

Clémence Vannier
Chercheuse en géographie, agriculture, environnement à l'Université de Canterbury
Mail : clemence.vannier at canterbury.ac.nz

Philippe Maisongrande
Responsable thématique surfaces, biosphère continentales, hydrologie, télé-épidémiologie, forêt
Mail : philippe.maisongrande at cnes.fr